Comme promis je vais continuer mon tour d'horizon du Grand Prix. Pour ce billet, je vais m'intéresser de plus près aux clubs qui représente, selon mes estimations, près de 2/3 de l'investissement dans la série. Qu'est ce qui motive les clubs à dépenser plusieurs dizaine de millier d'euros chaque année pour participer au Grand Prix?
Il est difficile de parler au nom de tous les clubs tant chaque club est unique dans ses forces et faiblesses qu'elles soient internes (qualités des dirigeants & athlètes) ou externes (soutient des partenaires et collectivités locales). Je vais toutefois me risquer à cet exercice, certains clubs se reconnaitront peut-être, d'autre un peu moins… (
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Pourquoi faire de la D1?
Rarement un président de club se réveille un matin en se disant "tiens je vais enrichir une bande de *mercenaires* sur le dos de mes licenciés pour être en D1 et donner du sens à mon existence"… Les projets D1/D2/D3 démarrent le plus simplement du monde en ayant un petit groupe de jeunes (ou moins jeunes) qui veulent se faire plaisir en courant ensemble. Si le président est chanceux le groupe est homogène, sinon il regardera localement s'il peut compléter son équipe (ex ici). Le projet sportif se met alors en place petit à petit, la D3 devient D2. Aller courir aux quatre coins de la France demande quelques moyens, si au début les athlètes sont peut-être volontaires pour y être un peu de leur poche, le club va rapidement chercher des solutions pour les aider auprès de ses partenaires privés et publics. Très sollicitées les collectivités territoriales filtrent cependant les demandes de façon plus ou moins objectives (ville, département et région ont tous leurs propres critères). L'un des filtre est souvent la position du club à l'échelle nationale. Pour espérer un financement par un Conseil Général ou une Région, le niveau D1 est souvent requis, D2 si vous êtes très chanceux, D3 ça devient louche et je soupçonne que vous connaissez vraiment bien la personne en charge du sport :)
A noter que tout cela est loin d'être automatique il faut souvent du temps à un club pour découvrir les sources de financement, les bons interlocuteurs, les critères auquel il faut répondre, remplir les dossiers et se voir enfin attribuer des subventions qu'il faut "défendre" chaque année ensuite. Bien sur les critères différent entre les collectivités et évoluent parfois d'une saison à l'autre en fonction des changements de politiques sportives des collectivités. C'est souvent un travail de plusieurs saisons d'établir les bonnes relations. La tache est encore plus ardue en ces temps de disette et de débat sur le domaine de compétence des collectivités territoriales. Le bon coté des choses est que les aides ne concernent souvent pas que l'équipe élite mais tout le club par exemple pour financer le poste de l'entraineur, des stages, du matériel (tenues), etc... Un club "élite" est aussi parfois mieux soutenu pour ses actions de développement (organisations d'épreuves, école de triathlon, etc…). C'est un cercle vertueux, le club est aidé parce qu'il est performant et en étant aidé le club peut devenir plus performant. Cela motive donc monter en puissance. Au fil des saisons, les éléments locaux capable d'assurer la progression du club (ou même le maintien) se font alors plus rares… et il faut attirer des "éléments extérieurs" pour compléter l'équipe ce qui n'est pas toujours facile. Tous les clubs ayant a peu prêt la même idée Il est facile de comprendre la "course à l'armement" qui s'opère entre les clubs. On assiste ainsi progressivement à une montée du niveau de chaque division (c'est le plus criant en D1 tri qui est la plus subventionnée). Vous avez là l'explication du niveau "mondial" de la D1…
Le jeu des subventions fait qu'il y a une marche entre la D2 et la D1 (l'effet est sans doute moindre entre la D3 et la D2). Si très souvent des clubs font le yo-yo entre divisions ce n'est pas un hasard, confrontés à des clubs plus expérimentés et surtout mieux financés, la lutte est difficile. Je ne suis pas sur du tout qu'augmenter le nombre de clubs qui montent/descendent chaque année (passage de 2 à 3 clubs il y a 2 ans il me semble) aide à réduire la marche entre les divisions, elle contribue sans doute plus à fragiliser les clubs concernés.
L'Elite comme source de financement
Il ne faut pas croire que c'est la "masse" qui finance l'Elite. Une licence à Beauvais, Poissy, Sartrouville n'est certainement pas plus chère qu'ailleurs. Les plus gros clubs de triathlon (Poissy en tête sans doute avec plus de 300 licenciés) font pales figure à coté du moindre club de natation, d'athlétisme ou de foot en terme de nombre de licenciés… de plus la quasi absence d'une branche "loisir" dans les clubs (comme peut l'être l'aquagym pour les clubs de nat) rend le financement par la masse très difficile si l'on veut essayer d'augmenter les prestations au niveau du club (ex. créer un poste d'entraineur, …). Avoir une équipe élite est donc une solution alternative pour augmenter le budget du club via une augmentation des subventions reçues et l'occasion d'attirer plus de partenaires. Le but de l'équipe Elite est alors d'apporter au club plus que ce qu'elle ne coûte et/ou d'ouvrir au club des portes autrement fermées. A ma connaissance, et je me trompe peut-être, seul le Lagardère Paris Racing fonctionne sans aide des collectivités locales, mais la D1 n'est pas au centre de la stratégie du groupe.
Un équilibre fragile
Il ne faut pas croire qu'avoir une équipe Elite est une chose simple. L'arrêt de Beauvais, club que l'on pouvait croire sportivement et financièrement l'un des plus solide, en est la triste démonstration. Aucun club de triathlon en France n'est véritablement "pro", tous reposent avant tout sur une équipe plus ou moins étoffées de bénévoles d'horizon et compétences très diverses. L'équilibre est toujours fragile et est fréquemment perturbé.
Parmi les écueils je peux citer:
- Impossibilité de maintenir l'équilibre budgétaire: Les subventions ont aujourd'hui tendance à diminuer quand elles ne sont pas purement et simplement supprimées. Ce qui est vrai pour les partenaires publics l'est tout autant pour les partenaires privés. Dans le même temps, les obligations faites aux clubs pour participer à la D1 ont souvent des impacts budgétaires qui sont loin d'être neutres (suivi médical obligatoire, départ à 5, … ). Les clubs qui doivent aussi dans le même temps se préparer à la "professionnalisation" des athlètes (fini les "bénévoles" dédommagés en indemnités kilométriques il faut préparer des contrats de travail maintenant…).
- Rétrogradation sportive: Trouver chaque année un nombre suffisant d'équipier(e)s pour constituer une équipe solide qui rempli les objectifs fixés n'est pas facile. Blessures, défections, incidents de courses, incompatibilités de calendrier pour les internationaux, etc. viennent souvent gripper la machine. Une rétrogradation est souvent synonyme de pertes plus ou moins substantielle de recettes pour le club (les subventions sont plus rapidement diminuées qu'augmentées). Je cite ici la rétrogradation, mais pour les clubs qui ont habitué leurs partenaires à tout gagner une baisse de régime peut aussi être difficile…
- Perte de motivations des dirigeants: Au sein d'un club, la D1 souvent ne repose que sur une poignée de personnes, il suffit que l'une veuille arrêter pour que le projet s'arrête ou s'enraille sérieusement. La D1 n'a plus rien à avoir avec le petit groupe d'athlètes qui cherche à se faire plaisir sur les courses du début, c'est aussi de nature à émousser bien des motivations
- Tensions entre "la masse" et l'équipe élite: avoir dans un même club des athlètes qui payent et d'autres qui sont payés est inévitablement source de conflits et de jalousie.
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S'il faut plusieurs saisons pour un club pour s'installer en D1, la quitter de son plein grès ou pas est beaucoup plus rapide.
Des clubs en ordre dispersés
Les montants investis dans la D1 étant bien supérieure aux primes reçues en fin de saison par les clubs, l'intérêt de la D1 pour les clubs réside dans les avantages qu'ils peuvent en tirer localement. C'est un point très important qui a beaucoup d'implications nous le verrons dans les prochains billets. Cela explique la situation unique de chaque club et qu'il leur est ainsi difficile de parler d'une seule voix tant leurs préoccupations et enjeux de leur participation à la D1 sont différents. Les clubs n'en demeure pas moins la force essentielle du grand prix en assurant un plateau de rêve à chaque étape, la perte d'un des clubs moteurs de la D1 comme Beauvais et les difficultés de nombreux autres clubs ne sont donc pas à prendre à légère. C'est élément à bien garder à l'esprit dans les évolutions à proposer pour le grand prix.
Bien sur je suis un peu "mou" pour l'instant dans mes conclusions et dans les implications de mon constat entraine. Je vous invite à partager vos points de vues et échanger de manière constructive sur ce billet.
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